Cette variation inhérente, hétérogène qui persiste quand on a cherché à tout
expliquer, dit sur la société et sur l'interaction entre les locuteurs les contradictions
qui les traversent, mais elle dit aussi beaucoup sur la langue, en y exhibant une dimension
irréductible d'instabilité. La place à lui attribuer peut constituer un enjeu :
elle concerne certes la communauté, mais elle concerne aussi, à travers le groupe,
l'individu (l'effet chez l'individu de la variation dans la communauté et dans le groupe).
Elle débouche alors sur l'idée d'hétérogénéité intrinsèque de la langue, qui va vers des
questions d'effet sur la grammaire individuelle de ce qui se lit dans la communauté. F. Gadet, « Variation et hétérogénéité », In Langages 26e année, n°108, p. 11. Dans le sillon des théories de l'énonciation (Benveniste, Culioli) et de la sociolinguistique
(Gumperz, Labov, Milroy et Milroy, S. Romaine), les notions de
variation, ajustement,
co-construction de sens sont appréhendées dans une linguistique entre langue et discours,
entre le stable et le déformable.
On s'attend à ce que les dimensions intersubjectives, sociales et communicationnelles
inhérentes aux problématiques liées à la variation soient prises en considération :
les notions de
régulation, de variation et d'ajustement permettent des approches plurielles,
tant endolingues qu'exolingues, en ce qu'elles mettent en scène un « entre-deux »,
une zone d'instabilité qui soutient les processus interprétatifs.
La variation, liée à une recherche identitaire qui se démarquerait d'une forme d'altérité
standardisée, permettra d'explorer la notion de « normes diversifiées » et le
fait que les systèmes linguistiques s'enrichissent au contact des marges.
La notion de
variation en contrepoint de celle de norme est basée sur des critères subjectifs,
esthétiques et sociaux. Plutôt que de s'intéresser à la norme, l'objectif de ce colloque vise la langue vivante,
l'usage et les usagers.
Le colloque vise à permettre le croisement des regards sur l'explicitation et la
théorisation de ce qu'on entend par
variation dans des domaines distincts mais connexes
selon que l'on prend le point de vue de la phonologie, la sémantique, la syntaxe, la sémiostylistique,
la sociolinguistique, la traductologie. Y-a-t-il rupture ou continuité dans ce que nous comprenons par
variation dans ces différents champs ? Cette notion peut-elle faire l'objet d'un consensus conceptuel
tout en conservant un caractère opératoire pour chacun des observatoires envisagés?
Les communications qui sont attendues peuvent explorer diverses pistes :
- Variation(s) selon la diversité des situations : instabilité des productions
d'un locuteur en fonction de paramètres pragmatiques, interactionnels et situationnels?
- Variation sociale : appartenance socio-culturelle, âge, aire géographique? Quelle signifiance sociale
pour les « variantes »,
- Variation en situation de contact de langues
- Variation sémiostylistique : quel mode d'inscription des discours, notamment
mais non exclusivement littéraires, en tant que variations du système linguistique ?
- Variations intra-discursives / variations extra-discursives
- Variation sémantique : polysémie, métasémie, hétérogénéité du sens
- Variation(s) des valeurs d'un terme selon les emplois et invariance fonctionnelle
- Variation(s) et invariance lors du passage d'une langue à une autre
- Variation et plan symbolique : quel rapport entre l'approche linguistique de la variation et sa portée symbolique ?
On pourra envisager d'autres questionnements, en particulier une approche diachronique de la
variation : création/néologie, conventionnalisation/standardisation.
L'analyse pourra prendre en compte un grand nombre de données, cependant les micro-analyses qualitatives seront les bienvenues.