Notre corpus, qui se compose de plus d'une centaine d'articles de presse écrite publiés durant
l'année 2009 (PQN, PQR, presse quotidienne gratuite, hebdomadaires, dépêches d'agences, presse
spécialisée, sites WEB) montre une évolution sensible du traitement des informations durant l'été
2009, en passant d'une confrontation globale des responsables de l'entreprise et des syndicats à
une représentation qui multiplie les points de vue, ceux d'experts variés, de travailleurs, de
responsables politiques, etc.
On ne traitera pas ici des scénographies qui traitent de la représentation des suicides durant la
première moitié de l'année 2009, qui ont fait l'objet d'une publication complémentaire (Rabatel
2010), on s'attachera plutôt aux évolutions du traitement médiatique des suicides, à la fin de l'été et
au début de l'automne 2009, lorsque les suicides se multiplient, prenant des formes spectaculaires,
accusatrices. Cette aggravation contraint d'abord les responsables patronaux et gouvernementaux à
bouger publiquement. Elle incite aussi les médias à modifier les scénographies antérieures
largement réduites au face-à-face des sources énonciatives patronales et syndicales. Dès lors, la
presse manifeste une volonté délibérée d'inscrire chaque suicide dans une série dramatique (à
épisodes) et de passer du récit dramatique et spectaculaire à l'explication et à l'interprétation, à
travers les modifications du face-à-face antérieur. Cela passe par l'exploitation plus systématique
de l'hyperstructure et, dans ce cadre, par le recours aux témoignages des salariés ou des
spécialistes de la santé ou du travail. Ces modifications du traitement médiatique jouent une
rôle non négligeable dans l'évolution de la façon dont émerge enfin l'idée d'une responsabilité de
l'entreprise dans les suicides, non seulement sur le lieu de travail, mais, plus largement, en lien
avec le travail, ces derniers étant la manifestation la plus dramatique d'un ensemble d'autres
signaux qui témoignent de la dégradation des relations sociales au travail.