Conférence 1 :
« Le débat présidentiel télévisé en questions : une analyse linguistico-discursive »
Au fil des dernières décennies, le débat télévisé affrontant les « finalistes » à l'élection présidentielle est devenu une « institution » en France. Giscard d'Estaing/Mitterrand en 1974; Mitterrand/Giscard d'Estaing en 1981 ; Mitterrand/Chirac en 1988 ; Chirac/Jospin en 1995 et en 2007, Sarkozy/Royal. Ce duel de l'entre deux-tours des présidentielles est devenu un « événement de communication » unique en son genre, durant lequel les deux
candidats ont l'occasion d'argumenter en faveur de leurs choix politiques en les confrontant à ceux de l'adversaire. Depuis 1974, le dispositif générique de cette confrontation des politiques est resté relativement stable, tandis que la « place énonciative » que s'octroient les journalistes au sein du débat varie sensiblement.
En prenant comme corpus les cinq débats présidentiels télévisés nommés ci-dessus,
mon intérêt portera ici sur les questions des journalistes, « animateurs » du débat. En effet,
ce sont les animateurs qui posent les questions-thèmes permettant à chaque candidat de
développer son programme et ses idées. Je proposerai donc une analyse linguisticodiscursive
concernant la teneur « politique » de leurs questions en me basant sur la
recherche sur les actes de langage et, en particulier, sur les paramètres mis en place par
(Kerbrat-Orecchioni 2001) pour la classification des
actes de questionner : a) la nature des
marqueurs de la valeur illocutoire, b) les raisons qui font que l'on sollicite d'autrui telle ou
telle information, c) la nature particulière de l'information demandée et la fonction
conversationnelle de la question. L'évaluation de la place énonciative du discours
journalistique dans le débat se fera ainsi à partir des stratégies de questionnement :
comment les journalistes se mettent-ils en scène au début de l'émission ? Comment
entrent-ils en interaction avec les deux candidats, par quel type de questions ? L'analyse se
fera aussi bien au niveau métadiscursif qu'au niveau micro-linguistique.
Je me concentrerai d'abord sur les séquences introductives des cinq débats afin de
donner une vue d'ensemble de la façon dont, au fil des années, les deux journalistes
animateurs gèrent l'activité polémique inhérente à ce genre médiatique. Il s'agira ensuite
de particulariser chacun des débats historiques et de tirer quelques conclusions sur les
changements et continuités du travail médiatique quant à la mise en scène de la
confrontation au long des débats.
Conférence 2 :
« Dialogisme, intertextualité et paratexte journalistique »
Dans ce deuxième travail, je chercherai à rapprocher les notions de
dialogisme et
d'intertextualité, relevant, dans leurs applications contemporaines, de traditions scientifiques différentes : sciences du langage et études littéraires. Je mettrai à l'épreuve la pertinence de ces notions-mères et d'autres qui en sont leurs dérivées - par une analyse linguisticodiscursive de titres de presse (prélevés dans différents journaux
Libération, Le Monde, Le Figaro et Le Canard Enchaîné 2009). En effet, compte tenu de leur position charnière aux confins de plusieurs univers textuels, ainsi que de leurs fonctions communicatives (entre autres la fonction « épiphanique »), les titres constituent un terrain privilégié pour la réalisation et l'étude - autant au niveau macro- que microstructurel - de phénomènes dialogiques et intertextuels.
Si l'on retient la définition du
dialogisme de Bakhtine (telle que reformulée dans Bres & al 2005 : 52) comme « l'orientation de tout énoncé, constitutive et au principe de sa
production comme de son interprétation, vers des énoncés réalisés antérieurement ... », les titres de presse seront un terrain fécond pour la recherche sur ce phénomène, que l'on se situe au niveau de la langue ou du discours. étant donné la nature du corpus, je me
placerai plutôt du côté du
dialogisme interdiscursif (et non
interlocutif) et de ce que Sophie Moirand, dans son article sur le dialogisme du dictionnaire d'analyse du discours (2002) et dans ses travaux plus récents (2007), nomme
dialogisme intertextuel constitutif.
Reprenant l'idée lancée dans mes travaux antérieurs (Sullet-Nylander 1998-2006) d'une
polyphonie discursive (et non d'une polyphonie strictement linguistique telle que la conçoivent O. Ducrot et les chercheurs de la Scapoline) afin d'expliquer certains phénomènes
langagiers présents dans les titres et caractéristiques du genre, je propose de travailler avec l'hypothèse d'un continuum allant de manifestations dialogiques explicites (montrées), englobant un ensemble de phénomènes linguistiques et intertextuels (jeux de mots, défigements linguistiques/culturels, discours rapportés...) jusqu'à un dialogisme plus implicite dont nous tenterons de décrire les modalités.
Ainsi, le titre de presse sera étudié, d'une part dans sa relation
intratextuelle (avec le
chapeau et le corps de l'article en particulier), et d'autre part dans sa relation
intertextuelle ou
interdicursive avec d'autres énoncés-textes (autres titres ou discours antérieurement produits). Dans le premier type de relations, on considéra que le titre est en « interaction textuelle » avec le reste de l'article et qu'il met en oeuvre de manière quasi systématique des transformations d'ordre linguistiques, stylistiques et culturels par rapport à eux. En ce qui concerne le second type de relations interdiscursives, qui par définition sont beaucoup plus diffuses, notre objectif sera de relever les phénomènes langagiers les plus récurrents dans le titre de presse pouvant déboucher sur une interprétation dialogique. Quelques objets linguistiques à l'étude et susceptibles de (dé)montrer la vocation à la plurivocité du genre titre de presse seront : les discours rapportés, les interrogations, la parodie/ironie/satire, mais aussi la structure syntaxique du titre lui-même.
Françoise Sullet-Nylander
Institutionen för franska, italienska och klassiska språk
Université de Stockholm
Françoise Sullet-Nylander est Maître de conférence, habilitée à diriger des recherches au
département de français, d'italien et de langues classiques de l'Université de Stockholm où
elle enseigne la grammaire, la linguistique et l'analyse du discours depuis le début des
années 1990. Depuis la soutenance de sa thèse intitulée Le titre de presse, Analyses syntaxique,
pragmatique et rhétorique (Stockholm 1998), elle a surtout mené des recherches dans les
domaines de l'analyse du discours et plus particulièrement celle du discours médiatique.
Ses thèmes de recherche sont plus particulièrement l'intertextualité, la polyphonie et le
discours rapporté. Depuis le début des années 2000, elle collabore avec Ci-Dit, un groupe
de recherche international et interdisciplinaire visant à articuler les théories et les pratiques
du discours rapporté. Elle a écrit de nombreux articles dans ce domaine touchant aux
pratiques du discours rapporté dans la presse contemporaine française.