Argumentaire

Depuis les années 90, suite au mouvement de démocratisation et à la fin du monopole d’une information étatique dans beaucoup de pays, les médias ont connu une importante évolution en Afrique. À côté des journaux gouvernementaux, une nouvelle presse écrite privée a vu le jour. Ainsi en 2004, selon l’institut Panos, on dénombre près de 200 journaux en République Démocratique du Congo. Tout en restant le média africain privilégié, la radio s’est considérablement diversifiée avec la mise en place de réseaux commerciaux, associatifs et confessionnels. Des stations comme Oxyjeunes au Sénégal, Radio Familia FM, La Voix de l’Afrique en Guinée ou Medina FM au Maroc témoignent d’une telle libéralisation de la parole radiodiffusée. Bien qu’encore majoritairement étatique et fortement influencée par les programmes occidentaux, la télévision a vu l’éclosion de chaînes thématiques, régionales et à péage, comme l’attestent les exemples de la Tunisie, de la Côte d’Ivoire, de Madagascar ou de bon nombre d’autres pays africains. Quant à l’internet, si son taux de pénétration est encore très disparate (40 % au Maghreb contre 7 % en Afrique subsaharienne en 2010), il bénéficie d’une progression rapide, notamment à travers le succès des cybercafés, l’essor de réseaux sociaux comme Facebook et la création de cyberjournaux, comme leFaso.net (Burkina), Madanews (Madagascar) ou Nettali (Sénégal). Cette expansion et cette reconfiguration des médias en Afrique sont cependant entravées par plusieurs obstacles, parmi lesquels figure le manque de ressources financières et matérielles, sans parler des limitations à l’information imposées par divers pouvoirs africains (suspensions administratives, procès, contraintes juridiques restrictives, censure…).

Le but du colloque est d’analyser et de confronter les productions discursives en français, liées à cette mutation du paysage médiatique en Afrique subsaharienne et au Maghreb. Portant sur les médias que sont la presse écrite, la radio, la télévision, la publicité et l’internet, ainsi que sur leur appropriation par des publics, ce colloque s’adresse aux spécialistes en sciences du langage, en analyse du discours, en sciences de l’information et de la communication. Il est également ouvert aux sociologues et aux politologues intéressés par les rapports entre le discours médiatique et la gestion de l’espace public. Les contributions pourront aborder les questions suivantes. Leur liste n’est pas exhaustive :

– dans quelle mesure les nouveaux discours médiatiques africains développent-ils une communication de proximité qui tranche avec la teneur formelle et académique des médias traditionnels ? Ce changement de paradigme peut être examiné à travers les processus d’oralisation, d’interactivité ou d’implication énonciative mis en scène dans des productions médiatiques typiques (émissions radiophoniques, débats télévisés, blogs, forums, etc.) ;

– comment les discours médiatiques qui prévalent actuellement en Afrique subsaharienne et au Maghreb gèrent-ils les interférences du français avec les langues nationales ? Ces discours médiatiques se traduisent-ils ou non par une appropriation africaine du français ? Les contributions pourront mettre l’accent sur les formes hybrides (phonétiques, lexicales, syntaxiques…) présentées par de tels discours, en particulier dans la presse écrite, la radio ou la publicité. Elles pourront encore évaluer l’interculturalité, mais aussi la construction de nouvelles identités africaines révélées par ces hybridations langagières. On s’interrogera par ailleurs sur la fonctionnalité différenciée du français et des langues nationales selon les médias concernés et les contextes de communication.